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09 juillet 2025
Ukraine Recovery Conference à Rome: la force des partenariats internationaux
Interview
La Conférence sur la reconstruction de l’Ukraine (URC2025) se tiendra à Rome les 10 et 11 juillet 2025. Il s’agit de la quatrième conférence sur la relance de l’Ukraine, qui s’inscrit dans le cadre d’une série d’événements politiques de haut niveau organisés chaque année depuis le début de la guerre d’agression à grande échelle menée par la Russie contre l’Ukraine, et qui sont consacrés à la relance rapide et à la reconstruction à long terme de ce pays. Gouvernements, organisations internationales, institutions financières, entreprises, régions, municipalités et la société civile se réunissent, unis par un engagement commun à renforcer la résilience de l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire.
Entretien sur cette importante conférence avec Jean Van Wetter, CEO d’Enabel.
Pourquoi est-ce qu’Enabel participe à cette conférence?
Jean Van Wetter : Enabel a un grand programme de reconstruction en Ukraine, d’une valeur de 150 millions d’euros financé par la Belgique, dans les secteurs de l’éducation, la santé et l’énergie. Nous sommes un des acteurs de la reconstruction et il est donc important d’être présent à la conférence pour s’assurer que ce qu’on fait est bien coordonné avec les actions d’autres partenaires. Enabel va signer cinq protocoles d’entente avec les ministères ukrainiens de l’Économie, de la Santé, de l’Énergie, de l’Éducation et du Développement territorial. Ces accords visent à moderniser les services publics, renforcer la résilience énergétique, améliorer les infrastructures médicales et éducatives, et soutenir l’emploi local. Ces accords reflètent une ambition forte et commune : aller au-delà de l’aide d’urgence et mettre en place des systèmes résilients qui autonomisent les communautés et favorisent une croissance inclusive.
Dans le cadre du Practitioners’ Network (PN) des agences européennes, dont nous assumons la co-présidence avec les Suédois, il est également important d’avoir une approche cohérente entre les différents membres. Pour le PN, cette conférence est une occasion de renforcer la coordination entre ses membres. Le PN ne remplace pas ce que fait l’Union européenne dans son rôle de coordination européenne. Mais le PN, en tant qu’organisation indépendante, peut aller plus loin pour coordonner ce que les États eux-mêmes financent. Par exemple, la Belgique et la France implémentent des projets à Tchernihiv, indépendamment du financement de l’Union européenne. Là, je pense que le PN a un rôle à jouer dans la coordination. Et ce rôle peut également se concrétiser lors d’autres événements internationaux, comme l’Africa Climate Summit en septembre, ou le Global Gateway Forum en octobre.
Et puis notre présence est aussi symbolique. L’ Ukraine a besoin d’ un soutien moral. Parfois, on le sous-estime, mais le fait de sentir cette communauté internationale qui est derrière l’Ukraine, ça aide à la résilience des Ukrainien·nes. La plupart des partenaires ukrainiens seront présents, et donc c’est aussi pour nous un lieu de rencontre avec nos partenaires ukrainien·nes.
L’Ukraine est un pays en guerre. Est-ce que dans ce contexte, il est utile et pertinent de déjà travailler sur l’éducation, la santé, l’énergie, sans avoir de garantie en termes de sécurité ? Est-ce que les risques ne sont pas trop grands?
Jean Van Wetter : Bonne question. Notre approche en Ukraine englobe deux volets. Il y a un volet de reconstruction, et un volet de renforcement institutionnel pour préparer l’Ukraine à intégrer l’Union européenne. Pour le volet reconstruction, on ne prend pas énormément de risques, parce qu’on ne travaille pas dans les zones de front. Nous travaillons principalement sur Kyiv et Tchernihiv, qui ont déjà été bombardées et qui maintenant sont relativement préservées. Il y a toujours un risque, mais c’est plutôt un risque calculé. Pour le volet institutionnel, l’acquis communautaire et l’intégration de l’ Union européenne, il n’y a pas de risques.
« L’Ukraine a besoin d’un soutien moral. Parfois on le sous-estime, mais le fait de sentir cette communauté internationale qui est derrière l’Ukraine, ça aide à la résilience des Ukrainien·nes. »
Qu’est-ce qui permettra de dire que cette conférence sur l’Ukraine a été une réussite ?
Jean Van Wetter : La conférence ne touche pas les aspects de défense, mais elle se concentre sur les thématiques économiques, la dimension humaine, la reconstruction locale et régionale, et l’intégration dans l’UE. Le débat actuel porte sur les priorités : est-ce que la priorité est dans la défense et uniquement la défense, ou également dans la reconstruction ? Est-ce que ça vaut la peine de reconstruire quand les attaques continuent? Je dirais que la conférence aura été une réussite si la communauté internationale continue à s’engager pour le maintien et la résistance. À côté des aspects militaires, il y a la résilience humaine. Comment résister, comment reconstruire, comment aller à l’école, comment organiser les soins de santé, comment continuer à fournir de l’électricité dans un contexte de guerre ? C’est extrêmement important. La conférence aura été un succès si elle arrive à rendre un peu d’espoir à une population qui souffre de trois années de guerre déjà.
Est-ce que pour Enabel cette conférence est un test case pour l’avenir?
Jean Van Wetter : Pour Enabel, cette conférence est importante car elle nous permet de rencontrer des représentant·es du secteur privé, notamment du secteur de l’énergie, qui sont nos partenaires naturels pour la reconstruction du pays. Dans une perspective plus large, la présence du secteur privé à de telles conférences est en réalité une évidence, qu’il s’agisse de l’Ukraine ou d’un autre pays. L’interaction et la symbiose entre les services publics, les organisations facilitatrices telles qu’Enabel et le monde des entreprises constituent un terreau fertile pour l’innovation et les changements disruptifs. C’est dans ces moments-là que la valeur ajoutée d’une coopération internationale crédible se révèle véritablement.