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09 octobre 2024
Regarder au-delà des représentations
Un récit personnel de Philippe Van Gerwen, expert junior en Ouganda
Lorsque je suis de retour en Belgique et que je parle de mon expérience en tant qu’Expert Junior Enabel en Ouganda, je reçois souvent des réactions empreintes/nourries de stéréotypes : des huttes, des pistes en terre, des animaux sauvages et surtout, une nature magnifique qui contraste avec un contexte de pauvreté. Une image pour tout un continent ? Où est la flexibilité mentale pour regarder au-delà de ces clichés ? La Flandre occidentale n’a pas le même aspect que les Ardennes, alors pourquoi supposer qu’une seule image peut capturer pleinement l’Afrique ?
Déconstruire la vision occidentale à propos d’un continent pluriel
Notre éducation, à nous éuropéen.nes et belges à propos du continent africain reste malheureusement limitée et superficielle. Pour beaucoup de belges, elle se résume à quelques moments : une visite au Musée de l’Afrique à Tervuren à l’école primaire, en secondaire, une référence à la lettre de Patrice Lumumba dans un cours d’histoire, et plus tard, pour certains, un approfondissement lors d’une formation complémentaire. Dans les programmes de l’enseignement général, il y a à peine de l’attention pour ce continent dans toute sa complexité.
L’enseignement se concentre aussi souvent sur le passé colonial. Où sont les récits et les images de l’Afrique contemporaine dans toute sa diversité ? Pourquoi nous est-elle rarement présentée sous un jour réaliste ? Il semble que l’Afrique n’apparaisse dans les films hollywoodiens que comme un décor exotique avec des scènes chaotiques, des rugissements assourdissants et un espion héroïque dans le rôle principal. Mais où est la vie ordinaire, quotidienne ?
L’Ouganda, où j’ai travaillé ces deux dernières années, offre une riche palette de choses tout à fait normales et quotidiennes, allant des paiements mobiles et des taxis-motos aux petits magasins, en passant par une immense capitale et des villages agricoles. Pourquoi ne voit-on pas plus souvent cette réalité quotidienne dans les séries et les films ? Un Ouganda tout aussi diversifié que n’importe quel pays occidental, avec différentes classes socio-économiques et cultures, et bien plus encore.

Des photos pour déconstruire les clichés
Peut-être que je peux contribuer à changer quelque chose à cela. Peut-être que je peux faire une différence en partageant des images qui montrent une image plus réaliste de la vie quotidienne en Ouganda. Cependant, cela vient avec son lot de défis. Je n’aime pas photographier les gens dans leur quotidien, car ils ne sont pas des objets. De plus, je me sens inconfortable de leur demander la permission ou d’entamer une conversation à propos de leur portrait. Et le plus important : moi-même, je ne suis pas neutre. Je suis un produit de la Belgique, façonné par des idées spécifiques et une certaine éducation. Les choix que je fais – quelles images que je capture et partage – sont influencés par ma propre perspective et par ce que mes amis et ma famille en penseront.
Peut-on vraiment être complètement neutre ? Les photos, aussi spontanées ou objectives qu’elles puissent paraître, portent toujours l’empreinte, la marque de celui qui les prend. En tant qu’êtres humains, nous ne sommes pas des robots. Nous percevons le monde à travers notre propre regard, façonné par des histoires, des valeurs et des expériences. Chaque photo est une sélection, un instantané choisi parmi une multitude de possibilités. Ce que nous capturons et ce que nous ignorons est influencé par ce que nous trouvons important ou significatif.
Souvent, le quotidien et le banal sont considérés comme n’étant pas assez importants pour être montrés. Nous restons accrochés à de vieilles images enracinées qui ont peu à voir avec la réalité d’aujourd’hui.
Peut-être que quelques images simples de routes de l’ouest de l’Ouganda peuvent briser certains stéréotypes. Les photos ne sont pas « uniques », « impressionnantes » ou « exotiques ». Elles sont tout à fait normales et quotidiennes. Cela semble évident, jusqu’à ce que vous vous posiez la question : « Pourquoi n’ai-je pas ces images en tête quand je pense à l’Ouganda ? »







