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16 octobre 2025
De l’énergie à l’autonomisation
Genre, culture et participation à la transition vers les énergies renouvelables
À Muite, les soirées se terminaient autrefois sous des lampes à pétrole et dans des cuisines enfumées. Aujourd’hui, de miniréseaux solaires ronronnent tranquillement en arrière-plan, alimentant des ampoules, des mixeurs et des machines à souder. Et pourtant, l’électricité seule ne suffit pas à changer les habitudes. Pour qu’une transition énergétique soit juste et pérenne, elle doit être façonnée au moyen des voix, des traditions locales et des réalités quotidiennes des communautés qu’elle dessert.
L’accès à l’énergie, moteur de développement inclusif
Dans le cadre du projet « Énergies renouvelables pour le développement rural » (RERD2+), Enabel et le Fonds national mozambicain de l’énergie (FUNAE) ont réalisé cinq miniréseaux solaires dans les provinces de Nampula et de Zambezia. L’ambition du projet va bien au-delà de l’éclairage des maisons : il cherche en effet à transformer l’accès à l’énergie en un catalyseur d’entrepreneuriat et de développement inclusif.
En collaboration avec une société de consultance locale, le projet a ainsi facilité l’accès à des outils de travail électriques pour les associations professionnelles locales de métallurgie, de menuiserie et de cuisine afin qu’elles puissent développer leurs activités. Tout cela s’est accompagné de démonstrations techniques et de visites de suivi organisées avec la FUNAE en juin 2025. Ces visites ont mis en lumière une vérité essentielle. L’infrastructure seule n’est pas transformatrice. L’adoption dépend de l’adéquation des nouvelles technologies avec les habitudes quotidiennes, les normes culturelles et la dynamique de la communauté.
De la biomasse à la cuisson propre
Cette transition est particulièrement visible dans le passage du bois de chauffage et du charbon de bois à des technologies de cuisson propre. Afin d’appuyer ce changement à Muite et Milhana, le projet a fourni aux associations de cuisine des fours, grils et mixeurs électriques, ceux-ci constituant des alternatives plus saines et plus durables. Bon nombre de ces appareils n’ont cependant pas été inutilisés, en partie faute de familiarité avec ceux-ci. Pour remédier à cela, des démonstrations de cuisine ont été organisées. Toutefois, ces sessions ont également révélé des défis sociaux bien plus profonds. En effet, si l’on veut que ces démonstrations soient efficaces, il faut qu’elles aillent au-delà de l’acquisition de compétences individuelles et tiennent compte du mode d’adoption des technologies au sein des communautés et des ménages.
À l’instar de nombreux pays, la cuisine est une activité genrée au Mozambique. Les traditions et les techniques se transmettent de génération en génération, et la cuisine devient un espace où convergent les normes liées au genre et la socialisation intergénérationnelle. Le matériel de cuisson propre entre dans cet espace en offrant le potentiel de bousculer les habitudes, en particulier lorsque cela modifie le goût ou la texture.
Dans les deux villages, les associations se composent presque exclusivement de femmes ; néanmoins, dans de nombreux ménages bicéphales, ce sont les hommes qui contrôlent les finances, influençant de la sorte les décisions relatives au paiement des factures d’électricité ou au remplacement des appareils électroménagers. Des différences générationnelles influencent par ailleurs l’adoption.
À Muite, ce sont les femmes les plus âgées qui ont pris part aux démonstrations, tandis que les plus jeunes ont elles été affectées à d’autres tâches, ce qui a limité à la fois l’apprentissage intergénérationnel et la légitimité des nouvelles technologies. Pour que la cuisson propre s’enracine, les formations doivent garantir la participation de tous les groupes d’âge et impliquer l’ensemble de la communauté, y compris les hommes.


La cuisine à des fins d’autonomisation
Les associations de cuisine ne sont pas seulement des gardiennes des traditions alimentaires, mais aussi des entrepreneures. En assurant le catering de festivités locales, elles génèrent des revenus et de la visibilité. Pour que ce modèle prospère, il faut que les nouvelles technologies soient acceptées tant par les membres des associations que par leurs communautés. Ainsi, à Milhana, un mixeur électrique a été présenté en préparant du jus à partir de produits locaux et en le partageant avec les hommes et les femmes.
Ce simple geste a suscité l’enthousiasme et montré de quelle manière des démonstrations basées sur des goûts et des ingrédients familiers peuvent favoriser l’acceptation par la communauté et, par conséquent, la croissance de l’entreprise.
Culture et technologie : une intégration nécessaire
L’expérience du projet RERD2+ démontre que le changement de comportement en matière d’utilisation de l’énergie n’est jamais purement technique. Il nécessite une compréhension approfondie de la culture, de l’identité et des relations. La cuisson propre en est un exemple frappant : même lorsque les technologies promettent des avantages pour la santé et l’environnement, elles risquent d’être rejetées si elles ne respectent pas les pratiques et les préférences locales.
En conséquence, les solutions en matière d’énergies renouvelables doivent être conçues avec les communautés plutôt que pour elles à des fins d’impact maximal. Les démonstrations qui reflètent les régimes alimentaires locaux, les ateliers qui incluent différentes générations et les espaces permettant aux femmes qu’aux hommes de participer créent une légitimité et une appropriation. Lorsque les infrastructures sont adaptées au contexte et que les populations sont des partenaires actifs dans leur utilisation, l’électricité devient plus que de l’énergie. Elle devient un réel moteur d’autonomisation.