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14 mai 2025
L’UE et Enabel : un partenariat stratégique pour une croissance durable en Côte d’Ivoire
Interview
Francesca Di Mauro, ambassadrice de l’Union européenne en Côte d’Ivoire, revient sur l’importance des partenariats entre l’UE, ses États membres et Enabel pour renforcer l’économie ivoirienne. De la filière cacao aux corridors stratégiques, elle explique comment ces collaborations soutiennent une croissance plus durable et inclusive.
Quel est le rôle des partenariats entre l’UE, les États membres et des agences comme Enabel dans le renforcement de l’économie ivoirienne ?
Avec un PIB qui croît autour de 7%, la Côte d’Ivoire est une des plus grosses économies d’Afrique de l’Ouest. C’est une économie locomotive, qui tire celles des autres, et qui attire aussi énormément de travailleurs de la sous-région.
L’Equipe Europe – l’Union européenne, ses Etats membres, leurs agences de développement, les banques de développement, ainsi que la Banque européenne d’investissement – est très engagée en Côte d’Ivoire.
Elle permet la bonne mise en œuvre de la stratégie Global Gateway – l’offre d’un paquet d’investissements de l’Union européenne aux pays partenaires – qui se décline en Côte d’Ivoire, en particulier dans les secteurs climat/énergie et transport avec les corridors stratégiques, ainsi que l’employabilité des jeunes.
La Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao. Comment l’UE et ses partenaires comme Enabel accompagnent-t-elles la transition vers une filière plus durable et équitable ?
Avec l’impact du Pacte vert européen, qui a été introduit depuis 2019 via notamment le règlement européen zéro déforestation (RDUE), l’UE en Côte d’Ivoire a commencé à travailler dans le secteur du cacao, afin de le rendre plus durable. Le RDUE va imposer dès la fin 2025 que les produits importés de l’international, mais aussi ceux produits en Europe, ne soient pas source de déforestation et qu’ils soient produits de manière légale. L’UE accompagne donc depuis quelques années le gouvernement ivoirien à se mettre en conformité. L’introduction de la norme africaine ARS 1000 pour le cacao durable est un bel exemple : celle-ci promeut la géolocalisation de tous les cacaoculteurs, ce qui amène à la traçabilité du cacao.
A travers l’Initiative Equipe Europe Cacao Durable, nous nous attaquons aux trois éléments de la durabilité : l’aspect environnemental avec la réduction de la déforestation, l’aspect économique, en assurant l’accès à des revenus décents pour les producteurs, et l’aspect social en éliminant toutes les formes de travail des enfants.
Ces aspects de durabilité sont traités à différents niveaux. Au niveau politique, lors du dialogue de partenariat Union Européenne-Côte d’Ivoire : une fois par an, nous nous rencontrons avec tous les ambassadeurs européens et les autorités ivoiriennes pour un dialogue politique sur plusieurs thèmes, de politique, de sécurité, mais aussi de durabilité.
Nous déployons également tous nous outils. Des appuis budgétaires, liés par exemple à des indicateurs sur les systèmes de supervision, de contrôle de la déforestation et du contrôle du travail des enfants.
Des appuis techniques, dont celui avec Enabel, qui s’attaque à la question du revenu décent. Enabel travaille directement avec les coopératives, pour les renforcer en termes de marketing, de plan business, et aussi de techniques agricoles. L’objectif est qu’elles s’organisent mieux et qu’elles aient un pouvoir de négociation plus fort par rapport à ceux qui achètent le cacao. Car si les coopératives sont plus fortes, elles peuvent mieux négocier et donc obtenir un prix correct et des revenus décents pour les travailleurs.
Et des prêts, comme celui avec la Banque européenne d’investissement (garanti par l’UE) qui s’attaque au reboisement de la Côte d’Ivoire.
améliorer les pratiques agricoles et favoriser une production durable et diversifiée.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le développement et l’importance des corridors stratégiques en Afrique ?
Nous avons identifié en Afrique subsaharienne dix corridors stratégiques, c’est-à-dire dix routes que nous considérons stratégiques au vu de leur importance économique et par rapport au trafic UE-Afrique. Sur ces dix corridors, trois passent par Abidjan : Abidjan-Lagos, Abidjan-Dakar et Abidjan-Ouagadougou.
L’objectif de ces corridors, c’est évidemment de réduire les temps et les coûts de transport des biens, mais aussi des personnes. Nous souhaitons également les améliorer et les décarboner le plus possible : c’est pour cela que nous soutenons aussi des corridors maritimes ou ferroviaires.
Cela aura évidemment un impact bénéfique sur les consommateurs : si les coûts diminuent, le prix des biens diminuera aussi. L’objectif c’est aussi développer des chaînes de valeurs locales – le riz par exemple – et en faciliter le commerce dans le reste de la région.
Quels bénéfices concrets ce projet apportera-t-il aux populations, aux entreprises locales, et au renforcement des échanges commerciaux régionaux ?
On peut prendre l’exemple concret d’Abidjan, une ville de 6 millions d’habitants, extrêmement engorgée par le trafic : nous travaillons par exemple sur la mobilité urbaine afin d’augmenter l’offre de bus publics, et ainsi réduire le temps perdu dans le trafic. Cela aura non seulement un impact sur le bien-être des populations, que ce soit en temps de trajet, que ce soit en coûts, mais également en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de pollution de l’air.
Sur les corridors de manière générale, Enabel va mener des activités qui se concentrent sur la réglementation et la facilitation du transport : c’est-à-dire soutenir l’autorité de gestion du corridor (partagée entre plusieurs pays) à s’organiser, à identifier des actions qui puissent aider à la réduction du temps d’attente aux postes frontières, ou encore à homogénéiser certaines procédures pour fluidifier le transit des biens.
Comment envisagez-vous l’avenir du partenariat entre l’UE et Enabel pour poursuivre le développement économique et social en Côte d’Ivoire ?
Le partenariat entre l’UE et Enabel a beaucoup grandi au fil des ans. Pour le moment, nous avons un portefeuille d’un montant total de 22 millions, qui inclut le travail sur le cacao durable et l’appui aux coopératives cacaoyères. Nous en avons aussi une partie sur la biomasse, c’est-à-dire la production d’énergie renouvelable pour cuisiner avec une énergie propre.
Il y également un volet très intéressant autour de la migration circulaire : Enabel identifie des entrepreneurs et employés dans des entreprises ivoiriennes, qui souhaitent faire des stages d’apprentissage en Belgique dans des entreprises belges préalablement identifiées. Ils y apprennent des techniques de marketing, de gestion des ressources humaines, de plan business, avec l’idée de revenir ensuite et mettre en pratique leurs nouvelles connaissances.
C’est donc un partenariat très florissant, en grand développement, que nous sommes ravis de voir encore plus grandir.